Vivre dans l’angoisse de la maladie, tel est le quotidien des personnes qui souffrent d’hypocondrie. Malgré le discours rassurant des professionnels de santé, rien n’y fait : l’obsession persiste et la situation devient difficile pour les proches. Quelques clés pour comprendre cette pathologie et savoir comment réagir avec les conseils de Élisabeth Angevin, psychologue et psychothérapeute.
Hypocondrie, comment ça marche ?
Ils se diagnostiquent les symptômes d’une pathologie grave, attendent avec angoisse des résultats d’analyse, consultent moult médecins et spécialistes, vivent dans la peur de tomber malades : « Ils », ce sont les hypocondriaques. 5 à 10 % des consultations chez le médecin généraliste seraient liées à l’hypocondrie. Si elles sont souvent moquées ou tournées en dérision, comme dans le film « Supercondriaque », réalisé par Dany Boon (2014), les personnes concernées par cette pathologie font face à une véritable souffrance. « Il s’agit d’un trouble psychiatrique caractérisé par une inquiétude excessive pour tout ce qui touche à sa propre santé, explique Élisabeth Angevin, psychologue, psychothérapeute et présidente du Syndicat des psychologues en exercice libéral (Spel). Des résultats d’examens négatifs ou un avis médical rassurant ne parviennent pas à apaiser cet état anxieux, proche de la phobie, qui peut devenir très invalidant. »
Un impact sur la vie personnelle et professionnelle
Ce trouble a un impact sur tous les aspects du quotidien du patient. « Sa vie entière tourne autour de la maladie, c’est une obsession », constate Élisabeth Angevin. Elle peut parfois prendre des proportions énormes : « Par peur d’être contaminé, certains peuvent décider de rester cloîtrés chez eux et de se couper de toute vie sociale », ajoute-t-elle. Poursuivre ses activités professionnelles et avoir une vie personnelle enrichissante devient alors très compliqué. D’autant que cet isolement renforce l’angoisse et peut provoquer un état dépressif. Dans ses formes sévères, l’hypocondrie peut augmenter le risque de développer des pathologies de type cardiaque, métaboliques ou encore des maladies mentales.
Un trouble narcissique
Le pic de la maladie a lieu chez le jeune adulte, entre 20 et 30 ans. L’origine de ce trouble est multiple : « Il peut apparaître dès l’enfance mais aussi être lié à la survenue d’un événement brutal, comme un deuil », estime la psychologue.
Les proches ne savent pas toujours comment se comporter. Faut-il chercher à rassurer le patient ? L’aider à rationaliser ? Essayer de lui changer les idées, de détourner son attention de sa santé ? « Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise attitude, répond Élisabeth Angevin. Les hypocondriaques ont une personnalité narcissique, centrée sur soi et sa santé, ce qui fait qu’ils vont avoir des difficultés à entendre ce que leur entourage essaie de leur faire comprendre. Ce trouble touche à l’ego et au sens que l’on donne à sa vie. »
Réussir à surmonter l’angoisse
Dans ce contexte, consulter un psychologue n’est pas une démarche aisée, observe la psychothérapeute : « L’hypocondrie est devenue la raison d’être du patient, elle est enracinée très profondément. La thérapie, qui a pour objectif de lever l’angoisse, va donc bouleverser le fonctionnement de la personne. »
Pour s’y préparer, le rôle de l’entourage est prépondérant. « Les parents, les proches, mais aussi les professionnels de santé doivent ouvrir le dialogue et essayer de faire comprendre à l’hypocondriaque que s’il est bien malade, il ne souffre pas d’une maladie physique », considère Élisabeth Angevin. Une fois ce premier pas vers la consultation d’un psychologue effectué, plusieurs techniques peuvent être proposées. « La thérapie familiale est indiquée quand la santé est un thème central dans la famille, note la présidente du Spel. Une autre piste est la thérapie corporelle, comme la sophrologie, qui permet de mieux appréhender la relation entre son corps et son esprit. Enfin, une psychothérapie psychodynamique centrée sur la prise de conscience des processus inconscients peut aussi être efficace. »
Benoît Saint-Sever, France Mutualité n°600