Pour lutter contre la fraude sociale, les pouvoirs publics travaillent sur un projet de fusion de la carte Vitale et de la carte nationale d’identité (CNI). Qu’en disent les acteurs de la santé et de la protection des données ? Quels sont les objectifs d’un tel projet ?
Fusionner la CNI et la carte Vitale : dans quelles conditions ?
La carte Vitale est un dispositif électronique qui permet de s’identifier auprès de l’Assurance maladie, de rembourser les frais de santé en dématérialisant la feuille de soins et de bénéficier du tiers payant. Elle contient des informations sur l’identité de l’assuré et de ses ayants-droits, son régime d’assurance, sa caisse, sa situation de santé (ALD, maternité, maladie professionnelle…), mais aussi sur l’historique des soins sur les douze derniers mois. Tous les assurés peuvent recevoir et utiliser, sans obligation, leur carte Vitale.
La CNI, en revanche, est un document d’identification qui permet de prouver son identité, notamment dans les situations suivantes :
- Contrôle policier
- Présentation à un examen ou à un concours
- Vote aux élections
- Inscription à Pôle-Emploi
- Opérations bancaires…
La proposition du gouvernement consiste à fusionner les deux dispositifs afin de n’avoir qu’une seule carte à puce qui permettra une vérification en temps réel des droits du patient et de son identité. Sur la puce, deux espaces seront réservés respectivement à l’état civil et aux données de santé. Cette nouvelle carte ne sera pas obligatoire, mais nécessitera de rendre ses anciens documents pour que le changement soit effectif.
Pourquoi fusionner CNI et carte Vitale ?
Le projet de fusion présenté par Bercy a pour ambition principale de lutter contre la fraude sociale, qui représente 6 à 8 milliards d’euros par an. Les trois quarts de ce montant sont dus à des arnaques à la Sécurité sociale par les professionnels de santé, par exemple en facturant un acte inexistant. Le quart restant est imputé aux assurés et principalement constitué de la fraude aux indemnités journalières ou à la complémentaire santé solidaire.
Aujourd’hui, la carte Vitale permet dématérialiser la feuille de soins et accélérer les délais de traitement, mais il est difficile de vérifier le respect du parcours de soins ou de retracer l’origine d’une fraude. En outre, certains patients “empruntent” ou louent des cartes Vitales pour bénéficier d’une meilleure prise en charge. La fusion des deux dispositifs permettra de limiter ce phénomène et d’accélérer les enquêtes pour fraude, voire de refuser la prise en charge immédiatement en cas d’abus identifié.
Assurance maladie, mutuelles et CNIL restent sceptiques
Début juin, l’Assurance maladie a émis de “très fortes réserves” sur le projet de fusion CNI et carte Vitale, partagées par les mutuelles et les assureurs. En matière de lutte contre les fraudes, il n’est pas sûr que ce nouveau modèle fasse ses preuves, car, d’après l’Assurance maladie, la fraude par carte Vitale ne représente que des sommes minoritaires. En outre, ce nouveau système risque de gêner le déploiement de la carte Vitale sur smartphone, actuellement en cours.
Un autre acteur de taille s’est aussi exprimé sur le sujet : la CNIL, qui a donné différentes recommandations aux pouvoirs publics pour protéger les données personnelles des assurés. Le numéro de Sécurité sociale est une donnée très sensible, qui doit être protégée par un compartiment cloisonné au sein de la puce électronique. La CNIL recommande aussi la possibilité pour les assurés de s’opposer à la fusion de leurs cartes, le numéro de Sécurité sociale ne devant être consulté qu’avec le consentement exprès de l’assuré.