A partir du 16 mars, tous les hommes pourront donner leur sang, sans contre-indications sur l’orientation sexuelle. Cette mesure met fin à de longues années d’inégalité et permettra de remédier aux stocks bas et à la pénurie de produits sanguins.
Histoire de la législation française du don du sang
Les techniques de transfusion sanguine se sont développées pendant la Première Guerre mondiale, grâce à de grandes avancées médicales, qui ont permis de mieux comprendre l’importance des produits sanguins dans les soins aux blessés. Mais ces premiers essais sont relativement ponctuels, et il faudra attendre les années 1950 pour que la loi française définisse un cadre au don du sang, comme par exemple l’impossibilité de le vendre ou de le rémunérer. Dans la seconde moitié du XXe siècle, le sang n’est plus seulement utilisé pour soigner les blessés, mais aussi pour développer des traitements pour différentes maladies du sang : hémophilie, leucémie…
Cependant, dans les années 1980, l’épidémie de VIH rebat les cartes. Les chercheurs mettent un moment à identifier tous les modes de transmission et, très vite, le mal est fait : des poches de sang contaminé ont transmis le VIH et l’hépatite C à de nombreux patients transfusés. C’est donc en 1993 que la sécurité du son devient strictement encadrée par la loi. Les établissements de transfusion sanguine deviennent garants de la sécurité des produits, puisque les établissements de santé n’ont pas les moyens de contrôler les poches de sang qu’ils reçoivent. Il faut donc se renseigner sur l’état de santé du donneur et son mode vie, puis analyser son sang après le don afin de s’assurer de fournir un produit non contaminé.
Pourquoi le don du sang a-t-il été interdit aux hommes homosexuels ?
Le VIH et l’hépatite C ne touchent pas les mêmes populations de la même manière : il existe une prévalence de ces maladies chez certaines personnes, en fonction de différents critères. Dans certaines zones géographiques, par exemple, ces maladies circulent plus activement qu’ailleurs. Certains modes de transmission sont notamment plus agressifs : c’est pourquoi les usagers de drogues injectables sont exclus du don du sang. Et certaines pratiques sexuelles sont, de même, plus à risque que d’autres. Pendant longtemps, le questionnaire pré-don prévoyait un champ sur l’orientation sexuelle : les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes étaient exclus d’emblée, considérés comme plus à risque de transmettre le VIH. Pour les personnes hétérosexuelles, le questionnaire ne prévoyait que des détails sur l’activité sexuelle : le nombre de partenaires sur les quatre derniers mois (avoir plus d’un partenaire exclue du don du sang). A noter que les femmes homosexuelles ou bisexuelles répondent aux mêmes conditions que les personnes hétérosexuelles.
Depuis plusieurs années, les associations luttant pour les droits des personnes LGBTQI+ s’insurgent contre ces mesures d’exclusion. Jusqu’en 2016, un homme homosexuel ou bisexuel, même sans jamais avoir eu de rapport, ne pouvait tout simplement pas donner son sang. Ces mêmes associations pointent du doigt la discrimination que de telles mesures créent dans le milieu médical et dans l’inconscient collectif : on considère alors les hommes homosexuels comme des personnes à risque, ayant une vie sexuelle potentiellement dissolue, voire irresponsable.
L’ouverture progressive du don à tous les hommes homosexuels
Après plusieurs années de dialogue, la levée de l’interdiction du don du sang aux hommes homosexuels et bisexuels s’est petit à petit mise en place. A partir de 2016, les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes peuvent donner leur sang, à condition d’être abstinent depuis plus de douze mois. D’autre part, certains types de dons plus sécurisés, comme le don de plasma, leur sont ouverts dans les mêmes conditions qu’aux personnes hétérosexuelles. En 2019, la période d’abstinence est abaissée à quatre mois.
Enfin, à partir du 16 mars 2022, l’abstinence ne sera plus exigée et les hommes homosexuels ou bisexuels pourront donner leur sang dans les mêmes conditions que les personnes hétérosexuelles. Cela ne signifie pas pour autant que le don sera ouvert à tous, sans conditions. Toute personne qui souhaite donner son sang doit remplir un questionnaire pré-don. Les questions posées n’ont plus de rapport avec l’orientation sexuelle, mais avec les pratiques : les personnes ayant eu plus d’un partenaire sexuel sur les quatre derniers mois ne peuvent être autorisées à donner leur sang, quelle que soit leur orientation.
Cette avancée a plusieurs conséquences sur le don du sang, mais aussi sur le regard que pose la société sur les personnes homosexuelles :
- Les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes ne sont plus vus comme une population “à risque” sans l’étude d’autres critères (derniers voyages, nombre de partenaires…)
- Les conditions pour donner son sang s’adaptent à l’évolution des connaissances sur la transmission des virus
- Avec la hausse du don, l’EFS sera en mesure de remédier à la pénurie de produits sanguins à laquelle il fait face depuis 2020.