Si les cas les plus tragiques font parfois la une des journaux, le déni de grossesse est un phénomène de santé relativement fréquent, qui touche entre 600 et 1800 femmes par an, tous âges, toutes situations et toutes origines sociales confondus.
Enceinte sans le savoir : comprendre le déni
On parle de déni de grossesse lorsqu’une femme est enceinte d’au moins quatre mois, sans le savoir. La grossesse est généralement découverte avant le terme – on parle alors de déni partiel – mais dans les cas les plus graves, l’accouchement survient alors que la future mère ne se savait pas enceinte (déni de grossesse total). Le corps met tout en œuvre pour que les symptômes de la grossesse soient passés sous silence : pas de nausées, pas de prise de poids, règles régulières dans certains cas… Mais le cerveau joue aussi son rôle dans le déni : dès qu’un symptôme apparaît, il est attribué par la femme à d’autres causes (mauvaise alimentaion, stress, trouble digestif, traitement médicamenteux…). Ce mécanisme n’a rien à voir avec une quelconque méconnaissance de son corps, mais bien avec un état psychique particulier : pour toutes les femmes ayant vécu un déni, être enceinte n’était tout simplement pas une possibilité. En effet, la grossesse s’expérimente de deux manières bien distinctes : la gestation physique et la gestation psychique. Dans le cas du déni, la gestation psychique n’a pas lieu. Cela peut être la conséquence d’un traumatisme, d’un rapport ambivalent au désir d’enfant, à son corps ou à sa sexualité… Il n’existe pas de “profil type” chez les femmes en déni de grossesse : tous les milieux socio-économiques, tous les âges, tous les niveaux de vie sont représentés dans les statistiques. Près de la moitié des femmes en déni sont d’ailleurs déjà mère d’un ou deux enfants.
Accompagner les femmes quelle que soit leur décision
Dans la plupart des cas, la grossesse est diagnostiquée avant le terme, à partir de quatre mois de gestation. Souvent, elle est repérée lors d’une consultation médicale pour un tout autre sujet : une échographie pour des douleurs abdominales, un accident, une visite annuelle chez le gynécologue… Une fois la surprise passée, les symptômes de la grossesse peuvent survenir à une vitesse spectaculaire : ventre qui grossit, aménorrhée, prise de poids… Une proportion non négligeable de femmes choisissent de poursuivre la grossesse, s’habituant vite à l’idée de devenir mère. La grossesse pourra se dérouler normalement et s’achever sans complications spécifiques.
Certaines femmes peuvent aussi choisir de mettre fin à la grossesse ou de confier le nouveau-né aux services d’adoption. Dans le premier cas, cela peut se révéler difficile : l’IVG n’est autorisée, en France, que jusqu’à douze semaines de grossesse. Passé ce délai, il est possible de recourir à l’IMG (Interruption Médicale de Grossesse), mais seulement dans les cas suivants :
- Le foetus est atteint d’une affection grave et incurable
- La poursuite de la grossesse met en danger la vie de la femme enceinte
- La femme enceinte est dans une situation de détresse psychosociale qui l’empêche de mener la grossesse à son terme.
Pour bénéficier de l’IMG, une équipe pluridisciplinaire doit être constituée afin d’évaluer les risques que pose la poursuite de la grossesse.
Après le déni, se reconstruire
Que la grossesse ait été menée à terme ou non, le déni de grossesse est un événement très particulier qui peut être traumatisant. Un accompagnement psychologique peut être proposé dès la découverte de la grossesse afin de prendre la meilleure décision et de comprendre à quoi peut être dû le déni : un traumatisme, un désir d’enfant contrarié, etc. Contrairement aux idées reçues, les femmes qui décident de poursuivre leur grossesse peuvent s’adapter très vite à ce nouvel état et accoucher sans risques. Les enfants ainsi nés ne souffrent pas de problèmes physiques ou psychologiques particuliers et connaissent généralement une croissance et un développement normaux.
Dans les cas les plus graves de déni complet, si la femme ne peut être accompagnée par un professionnel de santé lors de l’accouchement, il peut arriver que le nouveau-né ne survive pas à ses premières heures de vie. Bien que rare, ce cas nécessite une intervention en urgence des services médicaux et un suivi psychologique important afin de se reconstruire et de réussir à dépasser ce traumatisme particulièrement lourd.
Pour aller plus loin
Elles accouchent et ne sont pas enceintes, Pr Israël Nisand et Sophie Marinopoulos